Fulminant la fameuse bulle
Unam Sanctam contre Philippe le Bel, Boniface VIII reprit en partie la théorie de saint
Bernard de Clairvaux sur les deux glaives du Christ, le glaive temporel et le glaive
spirituel. Ces dangereux instruments sont évoqués dans la Passion selon saint Luc (22, 38)
en ces termes : « Ils lui dirent : ‘Seigneur, voici deux épées.’ »
Les théologiens, les juristes et
les hommes politiques réfléchirent longuement et longtemps sur ces deux glaives dont la
séparation entre l’Eglise et l’Etat se trouve être, ironie de l’histoire, une
arrière-petite-fille. Cependant, ces réflexions demeurent bien souvent dans des questions
institutionnelles, qui ont leur importance, mais qui ne semblent pas être le point
principal de l’exercice chrétien du politique, ni de la vie chrétienne tout court, et
encore moins de la Passion du Christ.
Un autre passage de cette Passion
apporte une nourriture plus satisfaisante, il se trouve plus haut, au moment de
l’institution de l’Eucharistie, et en donne le sens profond (Lc 22, 27) : « Quel est en
effet le plus grand : celui qui est à table, ou celui qui sert ? N’est-ce pas celui qui
est à table ? Eh bien moi, je suis au milieu de vous comme celui qui sert. »
Nous trouvons là ce qui sera
développé par le lavement des pieds de saint Jean que nous vivrons Jeudi Saint. Celui qui
veut donner sa vie à l’exemple du Christ doit se mettre au service. Notre manière de
suivre Jésus dans sa Passion, pour le suivre dans sa résurrection, réside en une action
très simple, un verbe très facile, servir.
Platon dans son livre Le
Politique définit la politique comme l’art du soin ou du souci de ses concitoyens, c’est
de cet art que le politique chrétien tire le sien. Toutefois il devra aller plus loin que
simplement exercer l’art du soin car l’homme politique chrétien est avant tout un
chrétien, par conséquent son modèle est le Christ en sa Passion (Jn 13, 14) : « Si donc
moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi, vous devez vous
laver les pieds les uns aux autres. »
C’est dans ce sens que le Pape
François affirme que la politique est une des plus hautes expressions de la charité. Ce
qui est vrai pour la politique, pour l’organisation de la vie en société, est vrai pour
toute notre vie : servir Dieu et les hommes voilà notre mission, voilà comment se tenir en
chrétien dans le monde et devant Dieu.
P. Paul Balaresque